Innocent
Magali Turquin
Toute l'horreur d'un petit garçon Tutsi au milieu du génocide.
Courir.
Je cours en avant d’un passé qui me poursuit.
Je cours depuis 1994. J’étais enfant. Tutsi.
Au Rwanda, tout le monde courait.
On courait, on tombait, on se cachait.
Hutus contre Tutsis. Tutsis contre Hutus.
Et les blancs.
Et les militaires.
J’ai perdu ma famille. J’ai perdu mes frères.
J’ai vu l’horreur des hommes.
Je cours pour ne pas qu’elle me rattrape.
Et pourtant je suis Innocent.
Plongez dans ce témoignage bouleversant, et découvrez le drame du génocide rwandais.
EXTRAIT
Ceux qui savaient précisément ce qui nous attendait, nous ont appelé. C’est tout ce qu’ils savaient de la langue kinyarwandaise. Puis ils ont compté tous les Tutsis présents. Pour le reste, ils utilisaient un interprète hutu qui abreuvait ainsi sa vengeance de façon plus détournée. Son excuse pour ne pas se sentir directement coupable. Par son intermédiaire, les militaires leur ont dit de rester tranquille. Ils allaient chercher de la nourriture. À peine avaient-ils disparus avec leurs 4x4 que des Hutus, machettes et fusils en main, les ont anéantis en quelques minutes. Une meute de loups massacrant une chienne blessée. Je ne pouvais pas le croire. Mes yeux ont vu mais mon cerveau ne l’a pas cru. Lorsque cette scène repasse dans ma tête, je ne remarque rien. Hommes et arbres se confondent. Une seule image nette me hante sans cesse, malgré moi, celle de cet interprète laissé par les soldats, en première ligne et assassiné comme les autres. J’ai honte de cette vision obsédante parce que je ne souhaite la mort de personne.
Que la vie, pour les survivants comme pour les assassins, redevienne ce seul lieu possible, un lieu commun, humain.
Et je me bats chaque jour avec moi-même pour que ce souhait se réalise. Que tous les fantômes, les bons comme les mauvais, s’éloignent de moi et de ce que je suis resté sur terre.
Un mort parmi les vivants.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Magali Turquin est née en 1979 au cœur de la forêt Ardennaise. De là-bas elle en garde les expressions incompréhensibles et l'amour fou des tartes au "suc". L'année 2004 annonce un changement. Des publications. Deux recueils de poésie paraissent : Chant ouvert aux éditions "Bérénice" et J'ai embrassé l'aube d'été… un collectif aux éditions "La passe du vent". Elle s'intéresse également aux livres destinés aux jeunes lecteurs et en mars 2005, publie son premier album : Loupé, aux éditions Bilboquet (illustrations Annette Marnat). En janvier 2006, une nouvelle publication : Le chemin de Wangmo, (éditions Michalon jeunesse). En 2007, les Éditions du Jasmin lui ouvrent les portes avec un album tout en poésie sur les pères qui n'ont plus la garde de leur enfant : Papa-barque (illustrations Yann Thomas).