Mon mai 68
Aline Méchin
Les événements de mai 68 décrits de l'intérieur.
À la mort de son père, Pauline arrête ses études et commence à travailler. Elle partage sa vie entre son emploi dans une grande banque parisienne et ses virées entre amis. Son journal témoigne de ce quotidien routinier entre Paris et sa banlieue. Jusqu’au jour où surviennent les évènements de mai 68. Elle se lance alors avec passion dans le mouvement qui agite la capitale.
Découvrez le témoignage palpitant de Pauline dont le quotidien routinier sera bouleversé par le mouvement qui agite Paris en mai 68 !
EXTRAIT
Au lieu de parler, les Shadoks émettaient des sons. « Ga », « bu », « zo » ou « meu ».
Et nous ? Notre vocabulaire avait peut-être l’air moins limité, mais les paroles répétées chaque jour avaient-elles plus de sens ? « Il fait beau aujourd’hui », « ça va comme un lundi », « vivement les vacances », etc.
— Moi j’aime bien, dis-je.
— Mais c’est nul et très mal dessiné ! Tu es sérieuse ?
— Oui. Les Shadoks c’est un peu nous. En tout cas, je m’y reconnais.
— On aime ou on n’aime pas, intervient Jean-Marc. Pour ma part, je n’aime pas trop. Mais si ce dessin animé passe à la télé c’est qu’il plaît à certains ! Et nous, on en connaît au moins un !
Le soir dans le train, j’annonçai à Jean-Marc que je ferais « travail buissonnier » le lendemain. Ce que je regrettai tout de suite.
— Tu risques ta place ! Qu’en pense ta mère ?
— Je ne lui ai rien dit, bien sûr. Je ne te comprends pas, Jean-Marc. Comment peux-tu ne pas te sentir concerné ? Nous vivons une période historique. Demain, une grande manif est prévue et j’irai.
— Avec Ivan ?
— Oui, je le retrouverai sur place.
— S’il était responsable, ton frère ne t’entraînerait pas là-dedans.
— Mais il ne m’entraîne pas ! C’est moi qui…
Les mots me manquaient et la colère m’étouffait. Tous les voyageurs nous observaient !
Je me levai furieuse, butai contre le sac que mon voisin avait posé par terre, l’enjambai et changeai de compartiment. Assise contre la fenêtre, je regardais sans le voir le paysage défiler. Un mal de tête m’enserrait le crâne. Les yeux me piquaient. Le train s’arrêta. C’était ma gare. Je descendis rapidement rattrapée par Jean-Marc.
— Pauline ! Je t’en prie, ne casse pas tout ce qu’il y a entre nous.
— Oh, arrête, tu parles comme dans Bonnes Soirées !
Il me prit dans ses bras. Je le repoussai de toutes mes forces et puis le laissai. Le chagrin me submergeait. Tout se terminait là, sur ce quai de gare.
— Promets-moi de venir demain au bureau, quémanda-t-il.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Auteur aux Editions du Jasmin du récit Mon mai 68.